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Seder de Pessah en solitaire

Seder de Pessah en solitaire

Seul/e au Seder : idées, conseils et encouragements. -

Ceux qui se trouvent seuls doivent se poser à eux-mêmes la question : « En quoi cette nuit est-elle différente ? » – (Maimonide  , Lois sur le pain non levé 7:3)

Ceux qui se trouvent seuls doivent se poser à eux-mêmes la question : « En quoi cette nuit est-elle différente ? » – (Maimonide  , Lois sur le pain non levé 7:3)

Cette phrase est restée intouchée dans les codes de loi juifs pendant mille ans. Alors que presque tout ce qui par ailleurs a été écrit sur Pessah a été analysé et commenté depuis toutes les perspectives et dans toutes les directions, cette phrase a été presque complètement ignorée. Être seul le soir du Seder n’a jamais été considéré par personne comme une réelle possibilité.

Cette année, nous voyons les choses différemment. Pour la première fois peut-être dans l’histoire juive, des milliers de gens célèbreront Pessah seuls. Nous n’avons jamais vécu cela : nous n’avons ni mémoire collective à convoquer, ni commentaires sur la loi théorique énoncée par Maïmonide  , ni certitude sur la bonne façon d’agir, ni enfin de direction spirituelle ou halakhique unifiée. Mais nous avons tout de même plus d’un tour dans nos sacs : la chutzpah, la créativité, l’espoir. Nous raconterons aux générations futures l’histoire de la Pâque de cette année, avec l’aide de Dieu.

Retournons à cette affirmation tirée du code de Maïmonide  , et écrivons à présent notre propre commentaire. Ceux qui se trouvent seuls doivent se poser à eux-mêmes la question : « En quoi cette nuit est-elle différente ? » C’est une drôle de question à se poser à soi-même, si l’on est seul. A peu près tout est différent cette année, et d’abord, le fait qu’on soit seul ! Même s’il y a allusion ici au Mah Nishtanah, l’ensemble des questions formelles prononcées au coeur du Seder, peut-être faut-il plutôt traduire cette phrase non comme une question, mais comme une exclamation d’émerveillement : ‘’Comme cette nuit est différente !’’

Mais on peut adopter une autre perspective, si l’on veut. Pessah est la fête de la liberté, la fête du printemps, de la légèreté, du bond par-dessus, du passage. Le Seder de Pessah était à l’origine un rituel domestique qui n’avait que quelques règles ou textes fixes : l’accent était mis bien plutôt sur le fait d’encourager les enfants à être curieux et les adultes à être créatifs. Il y avait une vieille histoire percutante à raconter – ‘’nous étions les esclaves de Pharaon en Egypte, et maintenant nous sommes un peuple libre’’ – et cette histoire devait être récitée d’une façon qui amènerait tout le monde à se rassembler autour de la table, chacun faisant partie de ce récit. Nous étions esclaves, nous sommes libres. Et pas seulement libre-de, mais libres-pour : tout un ensemble de valeurs devaient être discutées à travers les symboles de l’histoire tout au long du repas, on enseignait aux enfants les responsabilités que les Juifs libres avaient toujours assumées. Et si au fil du temps les textes et les rituels sont devenus lourds, rigides et incompréhensibles, il y a quelques chose de la légèreté de Pessah que peut-être cette année si singulière nous permet de retrouver.

Alors que les obstacles à la tenue d’un Seder solitaire sont nombreux et évidents, on peut y voir aussi quelques avantages surprenants. Nous sommes effectivement libres. Nous sommes coincés chez nous et coincés avec nous-mêmes et coincés avec notre liberté – c’est une opportunité unique de déconstruire les rites du Seder et de nous les approprier réellement. Faire de l’histoire une histoire qui nous parle, repenser les rituels et leur force, et manger un délicieux repas seuls, à notre propre rythme.

La Torah évoque par quatre fois, de manières légèrement différentes, le fait de raconter l’histoire de Pessah aux enfants. (C’est le sens du mot Haggadah, récit.) Les rabbins   étaient sensibles aux subtiles différences entre ces quatre textes, et ont créé un modèle archétypique, celui de quatre types d’enfants posant quatre types de questions : un enfant sage, un enfant rebelle, un enfant simple, et un enfant qui ne sait pas comment poser des questions. Le modèle des questions-réponses pour raconter l’histoire de Pessah était le plus pertinent et le plus souple pour permettre à chaque narration particulière de s’adapter aux enfants réels qui posaient les questions. Et comme beaucoup l’ont souligné au fil des ans, les quatre enfants ne sont pas forcément des types de caractères, mais plutôt quatre aspects différents présents dans chaque âme qui questionne. Nous avons tous notre côté sage, rebelle, naïf, et silencieux. Et pourtant : « Ceux qui se trouvent seuls doivent se poser la question … » Ce qui est étrange et merveilleux cette année, c’est que ces quatre parties entrent en conversation les unes avec les autres.

Notre côté sage pourrait demander : quelle sont les instructions pour mener un Seder correctement ?

Notre côté rebelle pourrait s’exclamer : pourquoi donc devrais-je faire tout cela, alors que le monde dehors s’enflamme ?

Notre côté naïf pourrait s’étonner : qu’est-ce que tout cela veut dire ?

Notre côté silencieux pourrait n’être même pas capable de formuler avec des mots l’énormité de la situation, et notre impuissance.

Traduisons donc ainsi : « Ceux qui se trouvent seuls doivent s’exclamer : ‘’comme cette nuit est différente !’’ »

Comme cette nuit est différente de toutes les autres nuits. Mais d’une certaine manière, comme elle est juive ! Les juifs sont un peuple paradoxal, qui s’accroche à une tradition stricte et qui trouve toujours le moyen de s’adapter à une réalité mouvante. Pendant plus de 2000 ans, les juifs ont adapté Pessah aux situations qu’ils vivaient : furent-elles des persécutions, des exils ou le confort de communauté florissantes. Cette année, Pessah sera difficile et étrange et appellera beaucoup de créativité. Et pourtant, il se joindra à la chaîne de milliers d’années de sedarim de Pessah demandant de la créativité. Ce que nous faisons cette année résonnera aussi dans le futur et entrera dans les annales de notre peuple. Nos innovations pourraient être les traditions des prochaines générations. C’est peut-être difficile de penser ainsi, en regardant notre situation avec la perspective de milliers d’années – et c’est aussi possible d’être juste où nous sommes, en faisant de notre mieux avec ce qu’on a. C’est ce que les juifs font !

 Idées et suggestions

  • Avant le seder

Préparez vous à la soirée avec des amis et votre famille par téléphone ou internet. Vous pourrez partager au moins le sentiment que toute la communauté vit cela ensemble – séparément.

Parlez et comparez vos projets avec ceux des autres, si vous le souhaitez. Volez des idées !

Ecrivez des questions auxquelles vous souhaitez réfléchir pendant le seder.

Préparer un excellent repas de choses dont vous avez envie, à partir de la nourriture à laquelle vous avez accès. Vous pouvez trouver des recettes Pessah-friendly faciles ici, vers la fin de la page, ou un menu simple ici. Mais ne laissez pas la cuisine devenir un facteur de stress pour la soirée.

Si vous n’avez pas de haggadah, téléchargez-en une ou créez-en une personnalisée (cf section ressources)

Vous pouvez faire le seder dans des vêtements plus élégants que d’habitude – ou en pyjama. Les deux sont des signes de liberté !

  • Pendant le seder
  • Kadesh

C’est le premier des quatre verres de vin que l’on boit à Pessah. Quatre verres seul ?! Pourquoi pas. Ce soir est différent. C’est l’un des signes que nous sommes libres, et cela nous rappelle que ce repas est important et sacré. Allongez-vous copieusement sur votre canapé ou dans l’endroit le plus confortable de votre maison pendant que vous buvez.

  • Urchatz

Le lavage de mains n’a jamais eu autant de sens que cette année ! Mais prenez le temps de profiter d’un lavage de main rituel sans objet rationnel hygiénique. Sentez l’eau qui coule sur vos mains. C’est cela qui marque le début de l’expérience du seder.

  • Karpas

Il y a différentes traditions quant au légume utilisé pour le karpas, mais vous pouvez vous réapproprier la version romaine antique de cette tradition : un légume délicieux à grignoter pendant que vous faites toute la discussion qui précède le plat principal.

  • Yachatz

Quel sens donnez-vous à ce rituel de rompre la matsah du milieu ? Peut-être que vous pouvez regarder les matsot cassée et entières, et réfléchir à ce qui est cassé et ce qui est entier dans le monde autour de nous.

Le texte traditionnel dit ici quelque chose de surprenant : “Cette année, nous sommes des esclaves ; l’année prochaine, nous serons libres.” Que voulait dire cette phrase l’an passé ? Que veut-elle dire cette année ? A quoi ressemblera votre prochain Pessah ?

Le texte ajoute un signe de bienvenue au monde : “Que tous ceux qui ont faim viennent ici et mangent ! Peut-être qu’on devrait sauter cette partie ce soir. Peut-être qu’on devrait la laisser comme voeu pour le futur.

  • Maggid

C’est le cœur du récit du seder. C’est là que vous pouvez être le plus vous-même.
Vous pouvez dire les mots de la haggadah dans n’importe quelle langue qui vous plaise, ou savourer l’étrange familiarité des textes en hébreu.

Si vous supportez le sentiment d’étrangeté que cela donne : parlez-vous à vous-même à voix haute !

Prenez la tradition de la question-réponse sérieusement. Peut-être pouvez-vous préparer des questions en avance auxquelles vous souhaiteriez prendre le temps de penser.

Lisez des parties de l’histoire de l’Exode et trouvez au moins une phrase qui vous parle cette année.

Une grosse partie du maggid traditionnel est une interprétation complexe mot-à-mot de quatre phrases du livre du Deutéronome. Regardez le texte original et posez des questions. Élaborez des réponses, également.

Dites les mots “pessah”, “matsah” et “maror” en les pointant du doigt sur la table. (Pessah est symbolisé soit par l’os grillé sur le plateau du seder, soit par le repas en général). Explorer ce qu’ils devraient symboliser cette année.

Trouvez des livres ou des poèmes dans votre bibliothèque que vous avez aimé mais n’avez plus regardé depuis des années. Lisez un passage à voix haute, cérémoniellement.

Terminez cette partie avec un autre bon verre de vin !

  • Rachtzah

Lavez-vous les mains à nouveau ! Appréciez l’absurdité et le sérieux d’être seul pendant tous ces rituels.

  • Motzi Matzah

Enfin ! On mange cette matsah ! Il y a différentes symboliques de la matsah, le lechem oni : un pain de pauvreté, un pain de simplicité, un pain de difficulté, un pain qui donne des réponses. Qu’est-il pour vous ?

  • Maror

Cela ne va pas de soi que lors d’une célébration de la liberté, on amène l’amertume de l’histoire de Pessah sur notre table et en fassions l’expérience physique. Mais nous le faisons : en mangeant le maror avant le repas, nous insistons pour revivre aussi les aspects amers de la vie d’esclavage et d’oppression. Pourquoi ? Et le harosset, ce mets sucré fait de pommes et de vin, est un symbole soit du ciment fait par les esclaves en Egypte, soit de la plaie du sang. Etrangement, ces deux mets symboliques, l’un doux et l’autre amer, sont mangés en même temps.

  • Korech

Encore plus paradoxal : nous emballons le maror et la matsa et les mangeons ensemble. Pourquoi ?

  • Shulchan Orech

Régalez-vous d’un excellent repas, autant que faire se peut.

  • Tsafoun

Tsafoun veut dire “caché”. Lors de grands sedarim avec beaucoup d’enfants, la moitié de la matsah (c’est l’afikoman) est caché au début du repas et les enfants qui la trouvent l’amènent à ce moment pour la manger. Cela a peu de chances de se passer si vous êtes seul/e cette année. Mais c’est le moment de réfléchir, le ventre plein, à l’idée de caché et d’incertitude dans notre monde. Un virus invisible a secoué notre confiance en l’avenir. Il y a aussi un autre aspect du caché : tout peut arriver ! Un aspect sous-estimé de la liberté est que nous sommes ouverts à toutes sortes de surprises. Lancez-vous le défi de formuler un rêve optimiste.

  • Barech

Chantez birkat hamazon à voix haute, et terminez avec un troisième verre de vin.

C’est une série de psaumes qui exprime la gratitude (bien que si vous regardez le texte du plus près, surtout au milieu, vous trouverez un rapport bien plus sombre et complexe à la fragilité de la vie). Prenez un moment pour penser à ce dont vous êtes reconnaissant, qui vous pourriez et devriez remercier en ces temps étranges. Et finissez avec un quatrième verre de vin – l’étrange goût de la liberté !

  • Nirtzah

A la fin, il y a toutes les chansons classiques de Pessah. Chantez celles que vous aimez. Ou chantez ou fredonnez d’autres chansons que vous pensez liées à ce que nous vivons aujourd’hui.

En souhaitant à tous de la santé, de la force et des moments de joie et de calme.

Ecrit par Josh Weiner, traduit de l’Anglais par Noémi Egnell https://jeducationworld.com

 Pour mieux comprendre la structure de la Hagadah :

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